samedi 27 avril 2024

Pour faire court


        Elle ouvre la porte
        Se penche
        Laisse couler de ses doigts
        Le chat dans la nuit

        . . .    . . .

        Comme les étoiles les renards ont les
        yeux bleus en naissant; plus tard
        ils deviennent d'ambre.

        . . .    . . .

        Et là-bas c'est la guerre, là-bas
        les yeux des mères sont des poteries cassées


               poèmes de Jean-Pierre Abraham (Compère qu'as-tu vu?)


Sophie Ristelhueber


mardi 23 avril 2024

Gardien

 


Bord de Saône. Le gardien garde, c'est son rôle. Sa responsabilité est engagée, ceux qui l'ont promu garde comptent sur lui, sur son dévouement. Mais que garde t-il? Une terre? Un fleuve? Une faune menacée d'extinction? Un jour comme un fruit mûr, les gardiens devenus inutiles quitteront leur poste en riant. Jour d'intelligence collective, d'abandon des vieux ego tyranniques. Jour qui verra peut-être les œuvres éphémères plus prisées que le marbre et le bronze!

mardi 16 avril 2024

Vitres ouvertes


Chuta Kimura
 
        
En réveillant des envies de couleurs, les toiles de Kimura sont des fenêtres ouvertes sur la vie. Elles vont loin dans l'espace et dans le temps. Et comme elles sont dépourvues de sagesse, à leur contact nos pensées rajeunissent. Oui mon gars.

jeudi 11 avril 2024

Ça

 
Content
– content de quoi
d'être là – immobile
dans ce lieu fréquenté journellement, avec ses plantes que je connais si peu encore, qui me résistent gentiment, avec ses arbres voyageurs, ses oiseaux familiers, ses fils de soie ténus qui flottent.
Content d'être – enfin
retiré de moi-même et de l'ignorance. Content de traverser le jour comme si c'était un seul et même pays. L'énergie de ma naissance est là, à chaque instant.

Mais on ne vit pas dans un terrier sans s'inquiéter de la forêt autour, qu'elle soit radieuse ou dévastée. Autour, ça court dans tous les sens, dans tous les sangs. Ça s'acharne à avoir raison. Ça flanque des raclées, ça se multiplie, ça pleure devant ses morts, devant sa propre mort. Ça intronise le pouvoir en arrachant leurs ailes aux mouches. Ça vend du sucre aux innocents, quand ça ne marchande pas autour d'un génocide, la tête pleine d'idées fausses. Parfois ça grouille de bonnes volontés, mais ça n'aime décidément pas l'eau froide. Et ça ne fait qu'empirer. Ça ne fait que creuser, brûler, empoisonner. Ça ne fait qu'asphyxier.

Nuages. Si beaux nuages. Esprits candides.

Le feu le matin, c'est aussi pour toi, ma mère, que je le rallume. Dans la nostalgie de la neige. Dans un rêve de faussaire. La poésie nous éternise.


Andrei Tarkovsky

dimanche 7 avril 2024

jeudi 4 avril 2024

J'aurai l'air d'être mort



Joël, 12 ans. Pierre tombale sur l'île d'Arz.
Une belle leçon de poésie, soulignée par les coquelicots.
Photo Corinne

* La route du petit prince tutoie les étoiles (commentaire de Topa sur un autre billet)

mardi 2 avril 2024

mercredi 27 mars 2024

S'élever


Construire un mur en pierre, un poème, c’est un peu la même chose: on utilise des éléments, pierres/mots, de texture identique mais de formes différentes, on les assemble, avec l’intelligence dont on dispose et qu’il aura fallu développer sur le tas – tas du bancal, du mal fichu – pour créer quelque chose de solide, quelque chose qui se voudrait fondamental, idéal, et qui gardera à jamais trace de la main qui l’a bâti/écrit.
La pierre sèche est simple et belle dans le paysage, et la poésie recèle des trésors d'humanité. Toutes deux sont des dons. Les murs souvent se font pâquerettes, les mots ciel et nuages. Il y a tant de naturel là-dedans, tant de volonté d'être au plus près des jours, qu'on ne peut qu'y rester fidèle. Même dans un monde qui a changé radicalement de visage.


Autoportrait en murailleur - 2014

lundi 25 mars 2024

Nu

L.D

Là, évidemment, nous ne sommes pas loin des Barbapapa. Je vais devoir travailler pour atteindre un niveau acceptable en dessin (mais j'ai tout de même dépassé l'éléphant dans le boa*, non?) Et je vous tiendrai au courant de mes progrès – si j'en fais.

* Relire le petit prince si nécessaire.

samedi 23 mars 2024

Paysage de montagne



L.D

    L'eau et le vent sont des bonheurs
            errants
    J'aime aussi l'aboiement des chiens
    
    ( Jean-Pierre Colombi)

samedi 16 mars 2024

Plumes


L'appareil photo polaroïd (du nom de la fameuse marque pionnière) relevait à l'époque – de mes vingt ans – à la fois de la magie et du funambulisme. Les imperfections et les couleurs passées donnaient à l'image carrée un je ne sais quoi de nostalgique, en même temps qu'elles révélaient de façon surprenante la présence du photographe.
Existe t-il le stylo polaroïd, qui permet d'écrire un poème du premier jet, avec la spontanéité et la facilité du génie naissant?
Mon "grillon" me dit que le temps de l'écriture, qu'il soit rapide ou lent, n'est peut être après tout que la partie émergée du poème, disons 90/10, les 90% non visibles étant le travail de la vie même, avec ses chemins parfois hasardeux mais qui dévoilent au bout du compte toujours une grande richesse.


Andrei Tarkovsky

    Tu veux écrire?
    Alors, tais-toi,
    Prends ta plume
    Et gratte!
    
    Bernard Lorraine

mardi 12 mars 2024

Supplément enfants


J'ai attrapé le chat
au bout d'une ficelle

et je le mangerai
à l'heure du repas

à moins que d'ici là
il m'aime
qu'il n'aime que moi


L.D 2024
(d'après une carte postale de la basilique San Clemente à Rome)

samedi 9 mars 2024

Naissance d'une lumière


Fleurs de pissenlit (Loiret)
23 décembre 2019 à 16 heures, dit le fichier...

dimanche 3 mars 2024

Demi-portraits


Bruce Davidson


Saul Leiter


* Comme en poésie, une image trop immédiate entraverait la liberté du lecteur. Cela dit, je ne fais que reprendre une idée mille fois vérifiée. Et il y a autant de façons d'aménager cette liberté qu'il y a de photographes et de poètes.

jeudi 29 février 2024

Le sourire du monde

 
Joe Webb


Herbot

    Tout est une fête de tous les instants. Il n'y a plus guère de place pour la pensée, l'apprentissage de soi. Quelle importance, d'ailleurs, puisque tout est une fête de tous les instants (effet pub.)

samedi 24 février 2024

Propension



21 juillet 1969: un grand pas pour l'humanité. Peut-être. Pas sûr. En tout cas, une question me turlupine comme on dit: ont-ils eu la délicatesse de redescendre leurs déchets?

* Quand je désespère de l'humanité, j'écoute ce genre de choses.

lundi 19 février 2024

Etel Adnan

 
Les oiseaux volent, et ne laissent pas de trace.
(Surgir)

Ils ont fendu ton œil, ô lune, et violé ton ciel vierge et moi j'étais assise sous ta lumière et pleurai.


Etel Adnan

vendredi 16 février 2024

Deux génies


Une maison sur pilotis face à l’océan, sur une plage sans début ni fin, une voiture qui ne connaît pas la panne, un crédit illimité chez l’épicier du coin, et des amis fidèles par dizaines. J'ai cru bon d'ajouter: ça, Génie, c’est mon premier vœu. Et cet imbécile a fait de moi un poète américain.


Hugues Erre

lundi 12 février 2024

jeudi 8 février 2024

Tu sculptes, toi?

        – Non, je peins avec de l'eau!»
        
La chevauchée fantastique  - 2023

lundi 5 février 2024

Eldorado


Les générations futures n'attendront peut-être pas la dissolution du globe, mais profitant de futures inventions en matière de transport aérien et de navigation dans l'espace, la race humaine dans sa totalité pourra peut-être quitter la Terre, pour s'installer sur une planète vacante. Il ne faut qu'un peu d'adresse, une simple application des lois naturelles, un canoë, un aviron et une voile à monter sur un mât, pour peupler les îles du Pacifique, et il n'en faudra qu'un peu plus pour peupler les îles brillantes de l’espace...
Qu'il faut être stupide pour penser trouver son Eldorado n'importe où, sauf là où l'on vit ! Le temps ne cache aucun trésor; nous ne voulons pas son après, mais son maintenant.
Henri David Thoreau (1817-1862)



samedi 3 février 2024

Au bonheur des mômes


Ruth Bernhard



Elliott Erwitt


   Choisir, c'est peut-être quelque part se dévoiler...

vendredi 26 janvier 2024

Une promesse de bonheur


Des milliers, des millions de jeunes américains, bouclant leur sac et prenant la route, escaladant les montagnes pour prier, faisant rire les enfants, réjouissant les vieux, rendant heureuses les jeunes filles, et plus heureuses encore les vieilles, tous transformés en fous du zen, lancés de par le monde pour écrire des poèmes inspirés, sans rimes ni raison, pratiquant la bonté, donnant l'image de la liberté par leurs actes imprévus, à tous les hommes et même à tous les êtres vivants...

Jack Kérouac, Les clochards célestes



Trent Davis Baley

        
        Choper des sauterelles
        les fixer vivantes à l'hameçon
        – je m'y habitue

        Gary Snyder

lundi 22 janvier 2024

Smile holder


    C'est en anglais, mais on comprend vite de quoi il s'agit...

mardi 16 janvier 2024

Quelque chose qui tienne ici, Johnny


C’est peut-être ça: un préservatif déroulé accroché au mur et dans lequel on glisse, chaque matin avant l’ouverture, une rose fraîche aussi rouge que possible. C’est peut-être aussi la vie géniale d’un hippopotame amorphe dans son enclos bétonné: une vidéo vide pour étonner un monde vide. C’est peut-être encore une tête d’épingle grossie mille fois, s’accouplant avec une coccinelle géante empallée sur un râteau à foin. Oui mon gars, c’est peut-être ça l’art aujourd’hui : du sexe, de l’ennui, et encore du sexe. 


Maurizio Cattelan

    * Pour une antithèse, on pourra lire ici quelque chose d'étoffé.

dimanche 14 janvier 2024

L'hiver à la bergerie

 
Dans le silence hivernal, gelé, rien n'est plus apaisant ni plus satisfaisant que les brebis attablées au râtelier, mangeant le foin coupé pendant l'été. L'une d'elle tourne vers moi sa jolie tête noire, l'air de dire en mâchonnant: rien n'est plus lumineux ni plus singulier qu'un type qui vous nourrit et qui a l'air heureux.



    * Tête noire: Scottich blackface

jeudi 11 janvier 2024

Des chiots et des hommes

 

Francesca Woodman


Emmet Gowin


* Une nouvelle rubrique dédiée à la photo, à la manière des séquence collages et postée une fois par mois. Merci par avance à tous ces photographes de cœur et de génie.

lundi 8 janvier 2024

Pour ceux qui suivent (et pour les autres aussi)

 
...

        Il me plaît d'imaginer
        (et le plus tôt sera le mieux)
        une prairie cybernétique
        où mammifères et ordinateurs
        vivent ensembles dans une harmonie
        mutuellement programmée
        comme de l'eau pure
        effleurant un ciel serein

        Il me plaît d'imaginer
        (tout de suite s'il vous plaît!)
        une forêt cybernétique
        peuplée de pins et d'électronique
        où le cerf flâne en paix
        au milieu des ordinateurs
        comme s'ils étaient des fleurs
        à boutons rotatifs

        Il me plaît d'imaginer
        (et ça doit arriver!)
        une écologie cybernétique
        où, libérés de nos labeurs
        et retournés à la nature
        auprès de nos frères et sœurs
        mammifères,
        nous sommes tous surveillés
        par des machines d'amour et de grâce.

            Richard Brautigan, Il pleut en amour (trad. Frédéric Lasaygues)
        

jeudi 4 janvier 2024

lundi 1 janvier 2024

Panier d'osier (mes vœux)


Linda Bernhard



Je n’ai pas su remercier mon enfance. Pas assez. Aujourd’hui c’est différent, tout se vend – ce vent – même la joie. Surtout la joie. Aujourd’hui l’enfance ne sort plus dans l’éclat du matin. Elle ne se perd plus dans les bois de sapin, dans la profondeur d’un jardin de curé, dans la neige qui mène aux bêtes, à ce tableau d’hiver entre les chambres. L’enfance a fermé les yeux, bouché son nez et ses oreilles, elle s'est coupée du monde réel. À son insu, l'enfance est devenue – exit l'osier – un panier d’achat sur internet.

À vous je ne souhaite rien de plus pour la nouvelle année que de rester droit dans vos bottes. Mais à l'enfance, qui est sans doute bien seule, je souhaite de retrouvez le chemin de la liberté, de découvrir toute la beauté d'un monde où il fait bon marcher, et d'imaginer comment cela, malgré tout, va pouvoir perdurer. 

"Peut-être un jour danserons-nous sur les ruines du désastre. "