Enfant, je passais toutes mes vacances à la campagne chez mes grands-parents paternels, et j'y ai connu l'hiver avec un mètre de neige et des chemins creusés depuis la route jusqu'aux portes des maisons. Quelques jours avant Noël, la nuit venue les jeunes du village faisaient le tour des foyers déguisés en je ne sais trop quoi, mais en tout cas ils me filaient une peur bleu, atterré que j'étais par la laideur des masques, attendant leur disparition dans les jupes protectrices et moqueuses de ma grand-mère.
Aujourd'hui, les monstres imaginaires me font sourire. Les vrais, ceux à figure humaine, m'attristent et leurs milliards ne valent pas un chant d'oiseau. Oh, laissez-moi encore un peu les monstres de l'hiver, laissez-moi les appeler de tous mes vœux.
Charles Freger
Je note pas mal de trucs dans mes carnets fourre-tout, et je viens de relire ça récemment: "Il semble qu'il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu'on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté." C'est de Milan Kundera
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Et puis les avions qui clignotent la haut dans la nuit: où vont ces gens, assis dans le confort malgré le vide glacial qui les entourent? Je pissais au pied d'un arbre – un de mes jeunes arbres, avec amour – quand j'ai senti passer une ombre, oiseau de nuit glissant dans le silence ou ange gardien qui sait. Présence au ciel d'hiver d'Orion et de ses deux chiens: ça mon gars, c'est pur bonheur, purs dividendes: patrimoine d'une humanité consciente.