samedi 15 juillet 2023

Tourmalet 21

Acheté cinquante euros sur le marché de l'occasion, ce vélo roule avec moi – je devrais dire sous moi – depuis quinze ans sur ses mêmes boyaux lisses. Discret, ultra léger, franchement "low tech" aujourd'hui. Je n'en changerais pour rien au monde.

La machinerie bien sûr ne fait pas l'affaire du poème. Le poème, c'est la route. Le silence de la route. Avec ce corps, ce frère toujours en première ligne et qui laisse l'âme vaquer à ses petits dépaysements. La terre promise apparaît souvent à la sortie d'un virage. Elle est là, déjà intime, bienveillante. Qu'importe si le lieu ne nous appartient pas, il résonne, il imprime une idée de paradis.

Par ailleurs, je marche. Qualité de la chaussure. Pieds prunelle de mes cieux. Je marche et tout s'efface. Les hommes? Ils courent dans la vallée. L'air leur coule de la montagne. Et moi, dans les hauteurs, qui souffle comme un yak. Toujours la terre promise.

À la pause, mon nom laissé au dos d'une pierre plate. Infinitésimal. Comme absorbé par la grandeur des lieux. Sous les cris de Jean-le-blanc, carnet, crayon: comme absorbé par la grandeur des lieux. Ça servira peut-être. Ou peut-être pas. Le soleil est un ami.


photo Bernard Plossu

* Une pensée pour Christian Degoutte, poète es-vélo (Jour de congé, Voyage à vélo à travers le Forez...)

**  Tourmalet, pour le célèbre col du Tour, et 21 pour le nombre de vitesse réparties sur trois plateaux. Marque Peugeot, fin des années 80.

2 commentaires:

  1. C'est bien vu, gars, bien senti aussi, bravo !
    En haut du col, laisse-toi doubler par toi-même, lequel sera en train de se dépasser...

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    1. Ca fait déjà quelques années que je freine dans la descente!...

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